Dans le comté de Beaufort, en Caroline du Sud, une recrudescence des arnaques aux distributeurs automatiques de bitcoins (BTM) inquiète la population, notamment les retraités. En 2023, les victimes ont perdu 3,1 millions de dollars, un chiffre alarmant qui incite les autorités locales à agir.
Marianne, une soignante retraitée de 66 ans, en a fait les frais. En novembre, alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre des amies pour un petit-déjeuner, elle reçoit un appel. À l’autre bout du fil, un homme se faisant passer pour un représentant du sheriff du comté lui annonce qu’elle risque la prison pour avoir ignoré une convocation de juré. Paniquée, elle suit ses instructions et dépose 7 500 dollars en liquide dans un BTM Coinstar situé dans un supermarché local. Son argent est immédiatement converti en cryptomonnaie et disparaît sur un portefeuille numérique appartenant à un escroc.
Une prolifération inquiétante des fraudes aux distributeurs Bitcoin
Marianne n’est pas la seule victime. Avec 30 000 distributeurs de bitcoins recensés aux États-Unis selon Coin ATM Radar, ces machines sont devenues une aubaine pour les arnaqueurs. Le lieutenant Eric Calendine, du département du shérif de Beaufort, est confronté à des cas de pertes spectaculaires. Il raconte notamment l’histoire d’un couple de retraités qui, croyant sécuriser leur épargne, ont injecté 390 000 dollars dans divers BTM, sans jamais revoir leur argent.
D’après la Federal Trade Commission (FTC), les personnes âgées de 60 ans et plus sont trois fois plus susceptibles d’être victimes de fraudes aux BTM. En seulement trois ans, les pertes signalées ont bondi de 12 millions de dollars en 2020 à 114 millions en 2023.

Une réglementation quasi inexistante, un paradis pour les escrocs
Les distributeurs de bitcoins échappent souvent à toute surveillance. Contrairement aux banques, où des employés peuvent détecter des transactions suspectes, ces machines automatisées permettent aux criminels d’opérer sans être inquiétés. Une fois l’argent converti en cryptomonnaie, il devient quasiment impossible à récupérer.
Même les forces de l’ordre peinent à remonter la piste des fonds volés. Nezar Hamze, détective spécialisé en crimes économiques en Caroline du Sud, explique que les transferts vers des portefeuilles numériques étrangers compliquent les enquêtes. Il évoque les plateformes internationales qui, souvent, ignorent les demandes des autorités américaines.
Vers une régulation plus stricte ?
Face à cette vague d’arnaques, plusieurs États américains tentent d’adopter des mesures de contrôle. En Arizona, Colorado et Nebraska, des lois en discussion visent à limiter le montant des transactions quotidiennes et à imposer des remboursements obligatoires en cas de fraude. Des réglementations similaires existent déjà en Californie, au Minnesota et au Vermont, mais leur application reste limitée.
Les recours judiciaires se multiplient également. En avril dernier, Glenda Mooneyham, 74 ans, a intenté un procès contre Bitcoin Depot et Circle K, accusés de ne pas protéger suffisamment les utilisateurs de leurs distributeurs Bitcoin. Sa fille, Stacie Sox, raconte que sa mère a dû s’asseoir sur un tabouret pour insérer 15 000 dollars dans une machine, sans se douter du piège dans lequel elle tombait.
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Une prise de conscience nécessaire
Pour le lieutenant Calendine, il est impératif d’intensifier la sensibilisation des seniors face aux nouvelles formes d’escroquerie. « Arnaquer quelqu’un via un distributeur Bitcoin est bien plus simple que de braquer une banque », déclare-t-il. Tant que des réglementations strictes ne seront pas mises en place, ces fraudes risquent de se multiplier, laissant des milliers de retraités sans recours.